L'héritage

    Le sourire du vieux ne voulait pas partir. Depuis qu'elle était rentré dans ce bar, il n'arrétait pas de la regarder, du même air qu'un chien qui vient de trouver un gigot. Il était habillé d'un vieux costume rapiécé aux coudes et d'une casquette à carreaux. Il allait bien dans le décor du bar, un peu surrané qui faisait penser à un troquet de l'entre-deux guerres. Elle ne savait pourquoi elle attirait son attention comme ça. Avec son bleu de travail et ses bottes, on ne pouvait pas dire qu'elle attirait l'oeil. Ses cheveux décoiffés, la crasse et l'absence de maquillage n'arrangeaient rien.
    Elle rentrait du travail, elle travaillait dans la station d'épuration locale. C'était vraiment un boulot de merde, comme elle le disait, mais c'est tout ce qu'elle avait trouvé pour le moment. La quarantaine bien tassée, pas de diplôme, elle avait pas beaucoup de choix. Elle avait bien essayé d'autres trucs, mais c'était pire, au niveau des relations avec les collègues surtout. Elle en avait marre de travailler avec des femmes, pour tout dire. Marre des petites mesquineries dans le dos, des crises de jalousie, de l'hypocrisie. Là au moins, elle était tranquille avec personne pour l'emmerder.
    Et le vieux qui continuait de la regarder. Elle avait même l'impression qu'il commençait à baver à présent. Merde, tout ce qu'elle voulait c'était boire un petit café tranquille avant de rentrer. Elle alla à l'autre bout du bar en espérant que le vieux irait voir ailleurs. Peine perdue, tel une caméra de surveillance devant un camp tzigane, il ne la quittait pas des yeux. Ou de l'oeil ? Elle avait l'impression que l'un des deux était en verre. Elle se dépêcha de finir son café et de sortir pour rentrer chez elle. Tant pis pour le moment de détente.
    Le vieux sortit derrière elle, provoquant une appréhension de sa part. Mais il se dirigea dans la direction opposée, ce qui la rassura. Elle rentra dans sa vieille Fiat panda et retourna chez elle. Arrivée dans sa rue, elle remarqua une voiture qui faisait tache : une vieille traction Citroën. Et à coté, devant chez elle, le vieux. Qui semblai l'attendre. Elle hésita à sortir son mobile pour appeler la police, puis se ravisa. Des voisins étaient dans leur jardin, elle n'aurait aucun mal à appeler à l'aide. Elle sortit donc de sa voiture et se dirigea donc vers lui.
"-Bonjour Nicole.
-Comment connaissez-vous mon nom ?
-C'est écrit sur la boite aux lettres.
-Oui, évidemment Sherlock.
-Mais je le connaissais avant.
-Pardon ?
-Mais permettez-moi de me présenter, Gaston Mirlon. Je suis l'ancien notaire de votre père, et son ancien meilleur ami par l'occasion.
-Mon père ? C'est une blague ? Il ne m'a même pas reconnu !
-C'est vrai, mais bon, il semblerait qu'il ait eu des remords. Enfin, je suis là pour éxécuter ses dernières volontés.
-Ses dernières volontés ? Il est...
-Oui, il est décédé. Mais pouvons-nous discuter de tout cela à l'intérieur ? Je pense que nous serons plus à l'aise.
-Heu, oui, bien sûr, entrez.
-Merci."
                                                       (à suivre)

Comments

[phil]

avec impatience, j'attends la suite...